Par Elizabeth Walcot-Gayda, Ph. D., Montreal,QC, Ancien Président de l’ACTA
Qu’entendons-nous par « troubles d’apprentissage? » « Quelle forme prennent-ils dans la salle de classe? » et « Comment venir en aide aux élèves qui ont des troubles d’apprentissage à réussir? » Pour répondre à ces questions fréquemment posées, on se sert de la définition nationale actuelle, basée sur la recherche des troubles d’apprentissage 1.
Cette définition, qui met l’accent sur la capacité de celles et de ceux qui ont des troubles d’apprentissage à réussir leurs études primaires, secondaires et postsecondaires, énonce clairement les mesures nécessaires afin d’obtenir un diplôme d’études secondaires ainsi que des possibilités d’éducation postsecondaire.
La définition porte sur les paramètres fondamentaux suivants :
Il est important de comprendre ce qu’implique chacun des énoncés ci-dessus et la forme que prennent de tels dysfonctionnements, en plus de reconnaître qu’ils affectent les pratiques et les politiques en matière d’éducation.
Cette distinction est importante. L’expression «troubles d’apprentissage» fait référence à « un certain nombre de dysfonctionnements pouvant affecter l’acquisition, l’organisation, la rétention, la compréhension ou le traitement de l’information verbale ou non verbale. Ces dysfonctionnements affectent l’apprentissage chez des personnes qui autrement font preuve au moins de capacités moyennes essentielles à la pensée et au raisonnement.» 2
< p> Pour que les étudiantes et étudiants qui ont des troubles d’apprentissage puissent apprendre et profiter pleinement du système d’éducation qui leur est offert, il faut maintenir un équilibre entre l’éducation générale et l’orthopédagogie au niveau de l’enseignement. La meilleure façon de ce faire est toujours une question ouverte.
En général, les ministères de l’éducation ont choisi une politique controversée d’intégration complète3. Selon cette approche, la présence d’orthopédagogues dans la salle de classe est une façon d’établir l’équilibre entre l’orthopédagogie et l’éducation générale. Un nombre de facteurs influencent la capacité de ce modèle à appuyer les étudiantes et étudiants ayant des troubles d’apprentissage : les compétences des enseignants et des orthopédagogues, la fréquence et la durée de temps des interventions, le temps prévu pour la planification et les contraintes du programme d’études. Cependant, même dans les meilleures circonstances, les enseignants manquent de temps ou de soutien lorsqu’il s’agit d’offrir aux étudiantes et étudiants ayant des troubles d’apprentissage du matériel pédagogique sous différentes formes pour transmettre les concepts essentiels des études sociales, de la biologie, de l’histoire et de la géographie. Dans ces circomstances, un certain nombre d’étudiants ayant des troubles d’apprentissage n’ont malheureusement pas accès à un enseignement plus général puisqu’ils n’ont pas facilement accès, d’une manière significative, à la même information que leurs pairs.
Grâce à l’orthopédagogie et à une bonne éducation générale, les élèves du niveau élémentaire ayant des troubles d’apprentissage peuvent apprendre aussi bien que leurs pairs et faire une transition relativement sans heurts au secondaire. Les écoles secondaires doivent, elles aussi, offrir des services d’orthopédagogie, tout en mettant en place des mécanismes de soutien appropriées4 pour les étudiantes et étudiants ayant de faibles habiletés en lecture et écriture. En s’occupant des besoins d’apprentissage précis des étudiantes et étudiants, les écoles peuvent favoriser leur participation de même que leur volonté à prendre des risques et à être responsables de leur apprentissage. Une telle motivation favorise l’obtention du diplôme d’études secondaires et favorise ainsi la poursuite d’autres possibilités éducatives. Actuellement, seuls quelques arrondissements scolaires et quelques responsables provinciaux et territoriaux proposent cet équilibre.
En grande partie, l’apprentissage se fait en ayant recours aux yeux (perception visuelle) et aux oreilles (perception auditive). Cette information est « traitée » par différentes parties du cerveau presque simultanément,. Voici des exemples de ces traitements : « le traitement du langage; le traitement phonologique; le traitement visuo-spatial; la vitesse de traitement; la mémoire et l’attention; et les fonctions d’exécution (p. ex. la planification et la prise de décisions).»5
Le tableau suivant donne des exemples des manifestations de ces dysfonctionnements cognitifs.
Anomalie dans les processus portant sur : | Percevoir | Penser | Se souvenir | Apprendre |
---|---|---|---|---|
Le traitement du langage | Difficultés à traiter le sarcasme ou à comprendre quand quelqu’un fait une blague Difficulté à reconnaître le point de vue d’une autre personne | Difficultés à comprendre : des structures de phrases longues ou complexes ainsi que les tournures du langage | Difficultés à de souvenir : des mots de vocabulaire; de tâches présentées oralement | Difficultés avec le nouveau vocabulaire et à répondre aux questions posées par les enseignants |
Le traitement phonologique | Les sons des mots (par exemple sourire/souris) sont mal compris; faible séquencement des sons des mots; automatisation limité du décodage | Difficulté à comprendre le contenu à cause du manque de fluidité du décodage | Difficulté à se souvenir de la correspondance graphème-phonème | Difficulté à extraire les concepts essentiels à cause de la concentration sur le décodage |
Le traitement visuo-spatial | Difficulté avec les instructions orales ou écrites portant sur une activité ainsi qu’avec la perception de l’organisation des idées dans un texte | Difficulté à cerner les principales idées d’un texte | Difficulté à reconnaître la gauche et la droite, le nord et le sud de même que les structures hiérarchiques | Faible intégration de l’information séquentielle (jours de la semaine; recettes) |
La vitesse de traitement | Faibles interactions sociales; ne peut suivre les leçons présentées rapidement | Difficulté à établir des liens entre les éléments d’information d’un texte | Liaison lente entre la nouvelle information et celle déjà apprise | Moins de matériel pédagogique traité ou plus de temps et beaucoup d’effort pour voir le matériel |
La mémoire | Peu de stratégies pour tenter de se souvenir du contenu ou des concepts | Difficulté à écrire puisque l’orthographe peut ne pas être automatique | Difficulté à récupérer l’information apprise au préalable | Oublie l’orthographe après un test; difficulté à se souvenir d’événements significatifs en histoire; tout nouvel apprentissage est difficile |
L’attention | Difficulté à savoir quand il faut porter attention Faible compréhension des situations sociales; impulsivité | Faible concentration dans l’assemblage d’idées | Peu d’effort accordé à se souvenir | Travail possiblement désorganisé; fait des parenthèses |
Les fonctions d’exécution (planification ou prise de décisions) | Faible reconnaissance de la valeur de la planification; impulsivité | Difficulté à régler des problèmes et à comprendre les conséquences des décisions | Difficulté à lier de nouvelles connaissances avec celles déjà intégrées; peu de stratégies | Difficultés dans les domaines plus abstraits de l’apprentissage; possède cependant des éléments de connaissance isolés |
La distinction entre les concepts et les pratiques en enseignement nécessite une formulation un peu différente en français. Plus particulièrement, la lecture est considérée comme l’aspect réceptif du langage écrit et ne peut donc pas en être séparée. Tel que mentionné ci-dessus, l’ampleur des troubles d’apprentissage varie et ils peuvent avoir une incidence sur l’acquisition et l’utilisation d’une ou plusieurs des fonctions suivantes:
Les troubles d’apprentissage sont identifiés le long d’un continuum allant de légers à graves. La manière dont les troubles d’apprentissage d’une personne sont classifiés est liée à l’ampleur de leur interférence avec l’apprentissage courant et avec la capacité de cette personne à fonctionner dans la société. On croit généralement que les troubles d’apprentissage sont liés à des problèmes scolaires. Cependant, de faibles habiletés organisationnelles ou à « saisir » des situations sociales et à comprendre le point de vue d’une autre personne ont une incidence significative sur les rapports sociaux à l’école, dans la famille, dans les relations importantes et les loisirs.
De plus, même si des étudiantes et étudiants réussissent leurs travaux scolaires, l’effort nécessaire ou des résultats tout juste suffisants peuvent signaler la présence de troubles d’apprentissage. (Voir le tableau 2.)
Les troubles d’apprentissage sont indiqués par : | Exemples de certaines manifestations de la présence de troubles d’apprentissage |
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Sous-performance inattendue |
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Degrés particulièrement élevés d’effort et de soutien |
|
Le niveau de sévérité et la variété des domaines scolaires, sociaux et familiaux où se manifestent les troubles d’apprentissage suscitent des interventions dès que le trouble devient apparent, que ce soit à l’école maternelle, à la fin de l’élémentaire ou au secondaire. L’intervention devrait tout d’abord sur la base de la cueillette d’information auprès de l’enseignant de même que par un processus d’évaluation spécialisé. Il peut être utile de diriger les étudiantes et étudiants vers des services spécialisés lorsqu’ils ont des difficultés dans tous les domaines scolaires ou lorsque leur performance est irrégulière ou demande trop d’efforts.
Que signifie une telle évaluation pour les enseignants du primaire, du secondaire et du postsecondaire? Elle comporte l’enseignement explicite d’habiletés précises et de stratégies ainsi que l’utilisation de moyens reconnus dans les recherches actuelles comme « pratiques exemplaires » pour ces personnes6. Les conséquences d’une évaluation requièrent des interventions impliquant la famille, l’école, la communauté et le milieu de travail selon les besoins de la personne.
Les troubles d’apprentissage influencent la vie des enfants, des adolescents, des jeunes adultes et des adultes. Cependant, « leurs manifestations varient tout au long de la vie et sont tributaires de l’interaction entre les exigences du milieu, les forces et les besoins de l’individu.. »7 Les décisions entourant les interventions dans l’enseignement doivent tenir compte de ce dont a besoin la personne afin de pouvoir s’intégrer à la société de l’avenir. Tout au long de leur cheminement scolaire, les étudiantes et étudiants doivent savoir comment expliquer leurs troubles d’apprentissage ainsi que les dispositions qui facilitent leur apprentissage. Sans cette connaissance d’eux-mêmes et la capacité à se représenter correctement, les personnes atteintes de troubles d’apprentissage ont moins tendance à réussir des études postsecondaires.
Quelles sont les causes des troubles d’apprentissage? Comment diffèrent-ils des autres dysfonctionnements de l’apprentissage? En général, il est maintenant reconnu que :
Les troubles d’apprentissage découlent de facteurs génétiques ou neurobiologiques, ou d’un dommage cérébral, lesquels affectent le fonctionnement du cerveau, modifiant ainsi un ou plusieurs processus reliés à l’apprentissage.8
Le fondement neurobiologique des troubles d’apprentissage est appuyé par les analyses documentaires actuelles au États-Unis9 et au Canada10. Cette analyse ne démontre pas que les étudiantes et étudiants sont incapables d’apprendre. Les trois fonctions décrites plus tôt révèlent la façon dont les difficultés se présentent pendant tout le cheminement scolaire des étudiantes et étudiants qui ont des troubles d’apprentissage.
Entraves aux processus liés au : | Exemples de certaines manifestations de la présence de troubles d’apprentissage chez les étudiantes et les étudiants | ||
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du primaire | du secondaire | du postsecondaire | |
Traitement du langage |
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Traitement phonologique |
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Traitement visuo-spatial |
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Les enseignants reconnaissent que les étudiantes et étudiants qui ont des troubles d’apprentissage peuvent apprendre et qu’ils apprennent réellement. Cependant, ils doivent être prêts à examiner leurs travaux fréquemment, à enseigner des stratégies de compensation (p. ex. des habiletés pour prendre des notes pour ceux qui ont une mauvaise mémoire) et à présenter le matériel à apprendre sous différents formats et médias.
Les personnes familières avec ce domaine critiquent fréquemment les définitions des « troubles d’apprentissage » en ce qui concerne le libellé, les phrases choisies et les idées sous-jacentes. Bien qu’il pourrait ne jamais y avoir de définition universellement acceptée, on se sert ici d’une définition qui reflète la recherche actuelle afin de présenter clairement certaines des manifestations cognitives et du comportement des troubles d’apprentissage. Il est souhaitable qu’une meilleure compréhension des troubles d’apprentissage produise une plus grande cohérence dans les approches éducatives pour ces étudiantes et étudiants. Les systèmes d’éducation du Canada doivent commencer à s’occuper des problèmes entourant les programmes d’enseignement élémentaires et secondaires inadéquats à l’intention des étudiantes et étudiants qui ont des troubles d’apprentissage. Les évaluations appropriées réalisées en temps opportun, l’orthopédagogie, l’éducation et des dispositions particulières sont essentiels pour que ces personnes puissent participer pleinement à la société canadienne.
Elizabeth Walcot-Gayda (Ph.D.) est une ancienne présidente de l’Association canadienne des troubles d’apprentissage.
Reproduction autorisé par l’Association canadienne d’éducation qui a publié cet article dans sa publication trimestrielle, Education Canada, Hiver Volume 44, no 1, pp. 36-39. Traduction par TAAC.
1 La définition d’ACTA sur les troubles d’apprentissage (2002) se trouve à https://www.ldac-acta.ca/ ou elle peut être obtenue par courrier de l’Association canadienne des troubles d’apprentissage (ACTA) info@ldac-actac.ca. (Cette définition a été adoptée et entérinée par ACTA et ses associations provinciales, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, l’Association nationale des étudiant(e)s handicapé(e)s au niveau postsecondaire et par certains ministères provinciaux de l’Éducation, etc.) Elle a été annexée au Mémoire sur l’Acte orthopédagogique, préparé par l’Association des Orthopédagogues du Québec.
2 Ibid, para. 1.
3 La plupart des définitions de l’intégration complète sous-entendent que les besoins des étudiantes et étudiants qui ont des troubles d’apprentissage sont satisfaits dans une classe ordinaire.
4Les mécanismes de soutien réfèrent aux pratiques qui sont perçues comme aidant les étudiantes et étudiants handicapés en ce qui concerne l’apprentissage du matériel didactique. Parmi les exemples de mécanismes de soutien, on trouve un temps additionnel pour les examens, des examens oraux, des livres enregistrés, des lecteurs d’écrans et des outils de rédaction activés par la voix. (Les lecteurs d’écrans sont des logiciels qui lisent à haute voix les textes informatisés et l’information qui se trouve sur de nombreux sites Web. Pour des exemples, voir http://www.kurzweiledu.com/ et http://www.macspeech.com/. Pour un exemple d’outils de rédaction activés par la voix, voir http://www.speakingsolutions.com/)
5 Définition d’ACTA sur les troubles d’apprentissage (2002), para. 2.
6 Ibid, para. 3
7Pour un site Web qui décrit un certain nombre d’interventions d’enseignement, voir www.ldonline.org
8 Définition d’ACTA sur les troubles d’apprentissage (2002), para. 4.
9Ibid., para. 5.
10 L. Joseph, “The Neurobiological Basis of Reading,” Journal of Learning Disabilities 34 (6), 2001: 566-579
11C. Fiedorowicz, E. Benezra, W. MacDonald, B. McElgunn, A. Wilson et B. Kaplan, “Neurobiological Basis of Learning Disabilities: An Update,” Learning Disabilities: A Multidisciplinary Journal 11 (2), 2001: 61-74.
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